Suivez Joseph Briand
dans sa traversée du Japon à vélo
de Nagasaki à Abashiri du 13 avril au 7 mai 2008.

mercredi 28 mai 2008

Épilogue

Birao, le 6 mai 2008

Après le Tour de France en 2000, le Tour d’Europe en 2004 et 16 pays traversés, la Traversée de l’Australie du sud au nord en 2006, un nouveau rêve, un nouveau défi se réalise : la Traversée du Japon, du sud au nord, depuis Nagasaki sur les bords de la Mer de Chine, ville rendue tristement célèbre par le largage de la bombe atomique le 9 août 1945, jusqu’à Abashiri, port de la Mer d’Okhotsk sur l’île d’Hokkaido. Défi phénoménal dont je peux être fier car ce n’était pas gagné d’avance ! La diversité culturelle de cet étonnant pays et ses puissants contrastes ont été autant d’obstacles à surmonter.

Nihon - "Japon" en japonais

Quitter Nagasaki est tout de suite une mise en bouche tant les pentes sont raides pour le cycliste voyageur que je suis et les occasions de se perdre multiples.
Grâce à mon expérience, le moral n’a faibli à aucun moment, aussi bien sous la pluie, le froid et le brouillard, que face au vent, au bruit et à l’impossibilité de me faire comprendre malgré la gentillesse constante de ce peuple affable et infatigable.
Ce qui frappe d’abord, c’est l’activité incessante : la circulation automobile intense, les trains nombreux, les enfants allant à l’école à vélo en uniforme (le casque blanc vissé sur la tête), les gens dans les champs, les pêcheurs, les ramasseurs d’algues sur la côte...

Jitensha - "Vélo" en japonais

Je suis très sensible à l’organisation de l’infrastructure routière : pistes et bandes cyclables (avec leurs pavés glissants) à l’infini, y compris dans les interminables tunnels (j’ai dû enfiler pas moins de 130 km). Je suis très vite rassuré mais, en même temps, je dois rester vigilant. Le vélo est un sport d’équilibre et j’ai parfois bien du mal avec des pneus si étroits. C’est d’ailleurs un véritable jeu d’adresse par temps de pluie. Mes mains se crispent excessivement sur les freins.
Très vite, le Japon m’apprend la patience. Non seulement les feux tricolores sont innombrables (les ronds-points n’existent pas), mais aussi l’attente est interminable. Après bien des observations, je remarque que les Japonais à vélo ne respectent pas beaucoup les feux rouges. La tentation est grande de les imiter et, très vite, je m’exécute, sachant que le cycliste est prioritaire par rapport à l’automobiliste, de même que le piéton est prioritaire sur le cycliste. Jamais, de ma vie, je n’ai grillé autant de feux rouges ! J’ai hâte de quitter les villes pour découvrir le Japon profond, loin de la jungle de béton et des souterrains de la mégapole s’étirant sur près de mille kilomètres.

Hoteru - "Hôtel" en japonais

Progressivement, je m’imprègne de la culture japonaise, à commencer par la gastronomie souvent raffinée. La cuisine est un aspect important, j’apprécie tous les plats ! Le soir, après une journée souvent éprouvante, c’est avec une joie à peine dissimulée que je me glisse sous la table basse d’un ryokan où je découvre toutes les merveilles : un véritable jeu de piste gustatif parmi les 15 à 20 petits plats proposés par la serveuse aux sourire et gestes délicats. Je prendrai toutefois la plupart de mes repas sur le pouce, tout spécialement le midi, après quelques emplettes dans les konbini (supérettes où l’on trouve de tout et particulièrement des plats individuels à emporter).
Mon côté aventurier m’entraîne pour la nuit dans des endroits "succulents", comme les ryokan pour l’aspect traditionnel, les hôtels de style occidental pour le côté moderne, ou encore un cybercafé inattendu ou un bungalow non chauffé ! Chaque soir, je complète mon carnet de voyage en listant les évènements insignifiants, qui sont pourtant le plus précieux trésor du vagabond temporaire que je suis durant ces quatre semaines. Une fois transmis à mon fils qui réside à Kyoto, ce dernier les met en ligne sur le blog.

Arigato - "Merci" en japonais

J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail de qualité qu’il fournit avec assiduité et passion (tiens, tiens…) et je le remercie du fond du cœur pour son aide globale (accueil, nombreux "dépannages linguistiques", assistance au début et à la fin…). Sans lui, je n’aurais, je crois, jamais eu l’audace de traverser ce superbe pays trop mal connu des Occidentaux. J’emporte avec moi de magnifiques souvenirs : des paysages grandioses (lacs, volcans, montagnes, cascades…) habillés de cerisiers en fleurs (sakura) malgré le temps froid et humide, des visites de temples et de pagodes, et surtout les onsen. Un grand merci également à ma belle-fille pour les tracas de réservations et autres, ainsi qu’à ses parents pour leur accueil, leur chaleur et leur disponibilité. Sans oublier, bien évidemment, tous les gens chaleureux qui m’ont accueilli ou guidé spontanément. Une pensée spéciale va naturellement au Père Gourraud qui aura marqué la fin de mon voyage.

Ryoko - "Voyage" en japonais

Voilà maintenant huit ans que je trouve la paix en parcourant les routes asphaltées du monde. Le vélo est un excellent instrument pour en mesurer l’immensité. Rien ne me met plus en joie, à chaque coup de pédales, que les courbes instables des montagnes ou qu’un horizon fuyant lentement ma tentation de le rejoindre.

Le Bas Pouët, le 24 mai 2008

J’aurai connu beaucoup d’émotions en traversant ce pays au sous-sol si tourmenté, et le peu de sommeil m’aura parfois fragilisé. Je garderai longtemps dans ma mémoire le bruit des vagues en découvrant la mer d’Okhotsk après le franchissement des dunes : joie immense, plénitude !
Plaisirs rassasiés quand Isabelle me fait la surprise de débarquer à Abashiri avec notre fils et sa femme le lendemain de mon arrivée. Vous avez tous été incroyables !

Formidable Japon ! J'y retournerai...

À bientôt l'Archipel

Après une dernière nuit de récupération, nous laissons, aujourd'hui dimanche 11 mai, mon fils, ma belle-fille et ses parents ainsi que leurs amis. Dernières photos-souvenir et nous nous envolons chacun de notre côté pour Paris. Isabelle décolle la première via Helsinki, et moi une demi-heure plus tard, via Amsterdam, en emportant dans ma tête des tonnes de souvenirs.

Photo de famille avant le départ

En compagnie d'amis suédois de mon fils
et sa femme : certains, avec qui Isabelle a eu
l'occasion de dîner à Kyoto quelques jours plutôt,
rentrent en Suède sur le même vol qu'elle.

Après le passage de la douane,
à quelques minutes du départ

Au premier plan, l'avion d'Isabelle,
à l'arrière-plan, le mien, et, entre les deux,
celui de JAL qui nous a ramenés d'Hokkaido

L'avion d'Isabelle décolle en premier, ...

...suivi du mien une demi-heure plus tard.

Pour ne pas faillir à la tradition, en arrivant à Paris, j’ai encore la mauvaise surprise d’apprendre que mon vélo et ma valise sont restés à Amsterdam (non, non, pas mon caméscope, ni mon appareil-photos comme la dernière fois, heureusement). Je l’aurais parié ! On va déjà me faire regretter le Japon…

mardi 27 mai 2008

Retour dans le Kansai

En ce samedi 10 mai, pendant que mon fils et ma belle-fille visitent à leur tour les musées d'Abashiri et profitent de la nature environnante pour se balader sous le soleil, Isabelle et moi flânons ensemble dans le port de la ville avant de récupérer mon vélo.

Un couloir de l'ancienne prison d'Abashiri.
L'actuelle, située un peu plus loin,
renferme les plus grands criminels du Japon.

Impressionnant mammouth
dans le hall du Muséum des Peuples du Nord


Vue sur le lac d'Abashiri
depuis une colline de la ville

Depuis l'autre versant, on aperçoit la Mer d'Okhotsk
et, au loin, la péninsule de Shiretoko.


Après un trajet en bus à travers la campagne, nous décollons en début d'après-midi de l'aéroport de Memanbetsu, situé à quelques kilomètres, pour retrouver Osaka sous la pluie trois heures plus tard. Nous effectuons ensuite quelques derniers achats et dînons sur l'aéroport du Kansai. Puis nous rejoignons notre hôtel tandis que mon fils et sa femme traversent la baie d'Osaka en ferry, direction Kobe où ils vont passer la nuit.

Sur la péninsule de Shiretoko

Aujourd'hui vendredi 9 mai, nous avons la chance d’approcher de nombreux cervidés sauvages dans le parc national de Shiretoko ("extrémité de la terre" en langue aïnoue), célèbre aussi pour sa faune nombreuse d'ours bruns et d'aigles à queue blanche. Avant la visite du Shiretoko Nature Center, la promenade prévue autour des cinq lacs (Shiretoko Goko) du parc tourne court. Isabelle rêvait de neige, ses vœux ont été exaucés : une tempête de neige nous fait rebrousser chemin parmi les nombreux nénuphars qui peuplent cette région très humide. La visibilité est presque nulle... Un peu frustrant !

Un des nombreux cervidés
aperçus dans le parc national

Sakura sous la neige
au bord de l'un des cinq lacs du parc :
Isabelle, qui voulait voir des cerisiers en fleurs
et qui aime la neige, est servie !


Falaise et ses cerisiers bordant la Mer d'Okhotsk

Dans l’après-midi, nous prenons le temps de visiter le port d’Utoro avec ses rochers aux formes étranges. Le retour vers Abashiri se fait d’abord en bus, puis en train de campagne depuis Shari le long de la côte. Sympa !
Mont enneigé aux abords d'Utoro

Curieux rocher surnommé "Godzilla"
par les habitants du village
(on se demande bien pourquoi...)

Ma belle-fille nous a réservé un super hôtel au bord du lac d’Abashiri, où nous continuons à découvrir les mets d'Hokkaido. Puis nous apprécions les plaisirs du onsen extérieur sous la neige, conclus de massages pour ces dames.
Dîner au bord du lac d'Abashiri

Retrouvailles-surprise

J’ai passé une nuit à récupérer mais je me lève tôt en ce jeudi 8 mai. Le bonheur d’avoir terminé me stimule. J’attends mon fils et sa femme pour 15 h 00. J’ai très envie de profiter des lieux et je meuble mon temps, après un copieux petit déjeuner, à visiter trois musées à l’extérieur de la ville d'Abashiri : celui de l'ancienne prison, l’Okhotsk Ryuhyo Museum qui aborde le milieu arctique, et enfin le Muséum des Peuples du Nord. Je reprends donc mon vélo une dernière fois, avec toujours des côtes très raides, mais le soleil est de la partie.

Statue d'un prisonnier dans le musée
de l'ancienne prison d'Abashiri

De retour dans le centre de la ville, je rejoins un magasin de vélos pour y démonter le mien avec l’aide du propriétaire, particulièrement aimable. Puis j’enferme ma précieuse monture, méconnaissable, dans un carton épais bourré de "coussins". Ça me fait bizarre. Je laisse tout, y compris mes bagages, jusqu’à demain.


Œuvre nord-amérindienne
dans le Muséum des Peuples du Nord.
Clin d'œil à ma prochaine destination ?

Le midi, je prends mon dernier repas dans un konbini. Dehors, il fait froid et j’ai du mal à me réchauffer. Je patiente dans la salle d’attente de la gare. Lorsque j’aperçois mon fils, essoufflé avec ma valise qu’il ramène de Kyoto, je suis loin d’imaginer ce qui m’attend. Ma belle-fille semble frigorifiée. Nous nous installons dans la gare pour qu’ils se reposent bien au chaud.


Mon fils et sa femme ne sont pas seuls
dans l'avion qui les conduit à moi...

Mon fils me semble tendu. C’est un peu son habitude : il fallait que tout soit bien coordonné jusqu’au jour J ! Il insiste pour que je m’assoie et me prie ardemment de lui passer l'appareil-photos pour immortaliser mon visage à la fin du parcours et nos retrouvailles quand... deux mains douces se posent soudainement sur mes yeux ! Et là, en moins de deux secondes, je crois deviner le stratagème. Je me retourne et vois Isabelle plantée derrière moi tout sourire, ravie ! La surprise est de taille, même si j’avoue, quelques secondes après, avoir pensé à ce genre de "folie". Génial !


Isabelle aussi est à bord ! Clandestinement ?

Puis nous avons un impératif, rejoindre la péninsule de Shir
etoko, classée au Patrimoine Mondial. C’est prévu, c’est promis. On ne peut pas changer le programme. Et nous voilà tout guillerets dans un bus, pour deux heures de route le long de la Mer d’Okhotsk. Nous croisons quelques cervidés paissant les broussailles jaunies par le froid et la neige de l’hiver, qui peine à passer le relais au printemps dans ces contrées septentrionales austères.


Enfin réunis, ici à l'hôtel

L’arrivée au Shiretoko Prince Hotel du petit port d’Utoro est impressionnante : le personnel nous salue par des courbettes simultanées. Le hall est vaste, agréable et fleuri avec de nombreux ikebana. On nous explique scrupuleusement le déroulement de notre bref séjour et choisissons notre menu pour un succulent d
îner de fruits de mer. Nous goûtons ensuite au plaisir du onsen (mon plus grand), qu'Isabelle découvre à son tour. Nombreux bassins intérieurs et extérieurs, jacuzzis et autres saunas nous préparent ainsi à une bonne nuit de sommeil.


Toilettes chauffantes de notre chambre
avec leur bras à commandes